Entretien avec Naveed Aziz, Ph. D.
L’initiative HostSeq du Réseau canadien de génomique COVID-19 (RCanGéCO) effectue le séquençage des génomes de quelque 10 000 Canadiens atteints de la COVID-19 (« les hôtes ») afin d’orienter notre compréhension des effets de la COVID-19 sur différentes populations et la prise de décisions en santé publique. Dirigée par CGEn, l’initiative a créé la Banque de données nationale du projet HostSeq de CGen dans laquelle les données de séquençage sont déposées et mises à la disposition des chercheurs du Canada et d’ailleurs dans le monde.
Le séquençage du génome des hôtes est indispensable à la riposte du Canada à la pandémie et à la préparation en cas de problèmes de santé publique futurs. Il nous aide à répondre à des questions importantes, par exemple, pourquoi la maladie nuit à certaines personnes plus qu’à d’autres. En découvrant de nouveaux biomarqueurs du risque de gravité de la maladie dans des échantillons d’hôtes, la recherche appuyée par l’initiative HostSeq aidera, entre autres, à orienter les nouvelles stratégies thérapeutiques.
Les chercheurs financés par l’initiative HostSeq ont accès gratuitement à l’extraction de l’ADN et au séquençage pangénomique, et une copie des données est déposée dans la banque de données du projet HostSeq. Les chercheurs de partout au Canada peuvent ainsi renforcer leurs travaux respectifs grâce à l’échange des données.
« Lorsque la pandémie a frappé, de nombreux chercheurs en santé ont eu un besoin urgent de données scientifiques susceptibles de les aider à comprendre les mécanismes de manifestation de la maladie. Plus précisément, ils avaient besoin de données qui allaient orienter les décisions en matière de traitements, soutenir les thérapies et favoriser la mise au point de vaccins. » — Naveed Aziz, Ph. D.
En quoi la banque de données du projet HostSeq de CGEn est-elle la première du genre au Canada?
Historiquement, l’écosystème canadien de la génomique n’avait pas d’ensembles de données populationnelles et nous n’avions pas de pipeline fonctionnel pour nous réorienter et nous concentrer sur les données dont nous avions besoin pour comprendre comment la COVID-19 affectait des populations différentes. Voilà pourquoi cette banque de données est si essentielle et constitue une première au Canada. Pour la première fois, nous disposerons de grands ensembles de données que les chercheurs du Canada et d’ailleurs dans le monde pourront exploiter.
Que fera la banque de données?
À court terme, elle nous aidera à comprendre pourquoi certaines personnes sont génétiquement prédisposées à des symptômes plus sévères ou plus légers. Nous pouvons utiliser cette information pour orienter les soins médicaux que nous devons prodiguer à ces personnes. Par exemple, si nous savons qu’une personne a une prédisposition naturelle à la forme grave de la maladie, nous pouvons commencer à utiliser les données du séquençage des hôtes pour prendre de meilleures décisions dans tout le système de santé, par exemple pour déterminer quel patient devrait être admis aux soins intensifs et quel patient devrait plutôt rester chez lui.
À moyen terme, nous commencerons à exploiter les données pour trouver d’éventuelles cibles thérapeutiques. Si l’on pense à l’équité en matière de santé dans le monde et aux difficultés entourant l’efficacité, le stockage et l’administration des vaccins, les données de séquençage des hôtes peuvent nous aider à développer des vaccins ciblés ou d’autres médicaments qui pourraient être pris par voie orale, par exemple.
À long terme, lorsqu’une autre pandémie ou un autre problème important de santé publique surviendra, nous pourrons exploiter cette banque de données et tirer profit des leçons de ce que nous aurons fait pour la COVID-19.
Pourquoi CGEn était-elle la bonne organisation pour diriger la conception et la réalisation de cette initiative?
CGEn a été créée pour être prêts à intervenir en cas de défis scientifiques de grande envergure au Canada. CGEn a des liens à l’échelle régionale, nationale et internationale, ce qui nous permet de réagir rapidement aux besoins émergents. Nous offrons l’avantage que de nombreux chercheurs canadiens en génomique sont nos clients et des utilisateurs de l’infrastructure de CGEn. Nous avons déjà un réseau de personnes auxquelles nous pouvons faire appel et qui connaissent la qualité des résultats de recherche et de l’influence de CGEn. L’organisation a été créée en 2014 et elle est principalement financée par la Fondation canadienne pour l’innovation, de même que d’autres intervenants comme Génome Canada et les établissements hôtes. Nous soutenons annuellement plus de 2 000 groupes de recherche indépendants.
Quelles difficultés avez-vous dû résoudre lorsque vous avez lancé la banque de données?
La plus grande difficulté était le manque de préparation, c’est-à-dire que nous n’avions pas de politiques de gouvernance pour mener des recherches en génomique appliquées à la santé d’envergure nationale. D’autres pays ont de vastes programmes qui existent depuis de nombreuses années. Nous avons également un système de santé qui est financé par le gouvernement fédéral et administré par les provinces, ce qui complique la gouvernance de projets nationaux. Il faudrait normalement des années pour mettre en place, par exemple, une politique nationale sur le consentement commun. En raison de la pandémie, nous avons pu le faire en moins de 10 semaines, ce dont toutes les personnes concernées peuvent être très fières.
Compte tenu de la sous-représentation de diverses populations dans de nombreuses collectes de données génomiques, comment veillez-vous à ce que tout le Canada soit représenté dans les données recueillies?
Il nous faut nous rendre compte et reconnaître que les obstacles à l’inclusion peuvent être très compliqués. Notre modèle privilégie l’établissement de partenariats diversifiés et l’inclusion de cohortes uniques de participants dans la banque de données du projet HostSeq. Nous le faisons en veillant à ce que cette ressource nationale soit inclusive et représentative de la population canadienne. Nous avons une solide stratégie nationale qui aborde les obstacles à l’inclusion des groupes sous-représentés, dont les collectivités autochtones, noires, sud-asiatiques et hispaniques. Il s’agit d’instaurer une collaboration réelle avec les collectivités et de prendre des mesures additionnelles pour s’assurer que les données représentent la population canadienne réelle.
Comment les données produites par le projet HostSeq sont-elles échangées et qui peut y avoir accès?
Nous avons une infrastructure nationale de recherche axée sur la collaboration exceptionnelle. Notre plateforme de séquençage et d’analyse est accessible aux chercheurs canadiens et internationaux de toutes les disciplines et travaillant dans des universités, le secteur privé et au gouvernement. Nous offrons des services de production d’analyse de séquences à haut débit, à faible coût et de grande qualité afin de décoder des génomes complets. Les données du projet HostSeq sont accessibles aux chercheurs nationaux et internationaux par l’entremise d’un Bureau de conformité de l’accès aux données.
Comment vous assurerez-vous d’avoir le maximum d’impact?
Nous nous assurons de fournir l’accès au plus grand nombre possible de chercheurs – fournir les données aux personnes qui les utiliseront est notre priorité.
Comment les questions de respect de la vie privée seront-elles abordées?
Il est important que les Canadiens sachent que la protection de leurs renseignements personnels est primordiale même si nous rendons les données de séquençage et les données cliniques largement accessibles aux chercheurs. Les échantillons que nous recueillons sont dépersonnalisés avant de procéder au séquençage pangénomique et de verser l’information correspondante dans la banque de données. CGEn ne conserve aucun identifiant qui pourrait lier des renseignements personnels à une ou à un participant. Le chercheur consentant garde ces renseignements, ce qui garantit le respect de la vie privée de tous les participants.
Le Réseau canadien de génomique COVID-19 (RCanGéCO) a pour mission de relever le défi de la COVID-19 en produisant les données accessibles et utilisables des génomes viraux et humains pour orienter les décisions stratégiques et les décisions en santé publique, et mettre au point des traitements et des vaccins. Ce consortium pancanadien est dirigé par Génome Canada, en partenariat avec les six centres de génomique régionaux, le Laboratoire national de microbiologie et les laboratoires provinciaux de santé publique, les centres de séquençage du génome (par le truchement de CGEn), les hôpitaux, les universités et l’industrie dans l’ensemble du pays.